L'hyperémèse Gravidique : les vomissements intenses pendant la grossesse
Dernière mise à jour : 22 nov. 2022
Ou le jour où ma grossesse a viré au cauchemar.
"Mais le bonheur n'est que de courte durée car dès le 4 janvier, je suis prise de violents maux de ventre, de nausées et de vomissements intenses et très fréquents, environs 30 à 40 fois dans une journée, tous les jours."
L'annonce de la grossesse
En cette fin d'année 2020, après toutes les péripéties que nous a réservé cette année, nous n'aspirons qu'à profiter des fêtes, en famille !
J'ai retiré mon stérilet dans le courant du mois de novembre, car la décision était prise : nous allions agrandir la famille.
Quelques jours après Noël, je pressens que quelque chose se trame dans mon corps... je décide de faire un test avant les excès du réveillon du nouvel an, NÉGATIF.
Je dois l'avouer je suis déçue et triste, mais ça fait un mois et quelque que je ne porte plus mon stérilet donc soyons patients.
Début janvier, le 2, toujours dans le doute, car les sensations persistent ainsi qu'un certain retard de règles, je refais un test... qui apparaît très rapidement POSITIF !
Je le savais !!! Le précédent a du mal fonctionner mais pour écarter tout doute, je file faire une prise de sang au laboratoire.
Le résultat nous revient rapidement et cette seconde grossesse est belle et bien confirmée. Nous sommes super heureux et surtout soulagés de voir que malgré mon âge un peu avancé (pour certains ! ) tout a été très rapide.

Les symptômes de l'hyperémèse gravidique
Mais le bonheur n'est que de courte durée car dès le 4 janvier, je suis prise de violents maux de ventre, de nausées et de vomissements intenses et très fréquents environs 30 à 40 fois dans une journée, tous les jours. En début de grossesse, l'inquiétude est de mise et je me décide rapidement à aller consulter mon médecin généraliste qui pense d'abord à une gastro. Elle me place sous médicaments, légers, car je suis enceinte. Au bout de 5 jours, mon état ne s'est pas amélioré, PIRE, il s'est aggravé... Je n'arrive ni à m'alimenter ni à m'hydrater, je ne peux pas me lever de mon lit, la lumière et les sons me font souffrir... et le plus dur c'est de ne plus pouvoir m'occuper de ma précieuse petite Margot! Mon grand bébé... je culpabilise tellement !
Je retourne donc voir ma médecin et elle craint une bactérie ou autre donc me demande de procéder à plusieurs examens. Je me plie à ses demandes sans rechigner mais les résultats reviennent tous sans rien à signaler. C'est à n'y rien comprendre car mon état s'aggrave de jours en jours. Je fond à vue d'œil, parler est un sacerdoce, bouger, aller jusqu'aux toilettes vomir, je ressens comme des coups de poignards constants dans le ventre... J'ai très peur de perdre ce bébé.
Dans ce contexte, je deviens prisonnière de mon propre corps, condamné à la pénombre, au silence et à la solitude car rien ne me soulage, tout est souffrance... sans comprendre de quel mal je souffre. Je suis seule face à la douleur, la culpabilité, la peur. Et je m'enfonce dans un cercle vicieux sans lumière ni espoir tant la situation m'échappe et devient critique.
Au bout d'une quinzaine de jour, mon mari mort d'inquiétude, décide sur un coup de tête de quitter son travail en pleine journée pour me conduire aux urgences.
Il a peur pour moi, peur pour notre bébé et il ne me reconnait plus, je ne suis plus qu'une ombre, un zombie, je lui fait peur.
Le détour aux urgences, en temps de COVID, est un sacré parcours du combattant ! On attend, dans un premier temps dans un ancien garage à ambulances, à moitié en extérieur, en plein mois de janvier. Mon mari n'est pas autorisé à rester à mes côtés alors que je ne tiens même pas seule sur mes jambes, que chaque mouvement me coûte et que je passe mon temps à vomir ! Je suis invitée à m'asseoir sur une chaise de jardin, dans ce hangar, en attendant mon tour. "Il y a du monde Madame aujourd'hui", me glisse l'agent de sécurité. Il garde un œil sur moi car il a bien vu que je n'étais pas vraiment au mieux de ma forme. Nous sommes moins de 10, assis à des kilomètres les uns des autres, masqués... J'ai tellement subis ce masque qui m'empêchait encore plus de m'oxygéner correctement entre les nausées. Je fais des allers retours incessant avec l'extérieur pour vomir dehors....
Une femme arrive, avec sa fille, elle doit avoir 6-7 ans, elle ne prendra même pas la peine de s'asseoir, décrétant qu'elle est prioritaire puisqu'elle a un enfant. Et moi ??? Avec mon tout petit bébé à l'intérieur de moi, qui va peut être très mal ?!!! Qui se souci de moi ?!! Je fini par carrément m'asseoir par terre dehors, devant le hangar.
L'agent de sécurité me rejoint, je dois être livide tant il me regarde avec inquiétude ! Et me conduit directement à l'intérieur des urgences en indiquant qu'il n'est pas rassuré par mon état. Ce petit "manège" aura tout de même duré une bonne heure, bien que dans ma tête, compte tenu du calvaire physique, j'ai eu l'impression que ça en durait 3 ! Et enfin, une femme m'invite à m'asseoir devant un petit box pour expliquer mon état et remplir mon dossier.
J'explique brièvement mes symptômes puis (tellement persuadé que je l'ai dit de suite) termine en mentionnant qu'avec la grossesse, je suis encore plus inquiète!
Tout d'un coup, la lassitude de la femme devant moi change, elle se ressaisit et appelle une collègue pour une confirmation, mais la décision est déjà prise : ma place n'est pas ici mais au service gynécologique ! Les infirmières me donnent donc mon dossier avec des étiquettes nominatives et m'indiquent le service.... à l'opposé des urgences !
Traverser ce dédales de couloirs entre les urgences et l'hôpital ne me prendra pas moins de 20 minutes ! Sans parler de la peur de me perdre, des longues minutes sans croiser âme qui vive, ...
Enfin je retrouve la lumière extérieure et des gens !!! Et j'arrive ainsi devant les portes du service des urgences gynécologiques. Je suis invité à me rendre à l'accueil pour expliquer ma situation puis à attendre dans le petit espace dédié à cet effet. Je suis entourée de 2 autres femmes. OUF, ça devrait être rapide ! En tout cas, plus rapide qu'aux urgences classiques dans ce grand hangar froid.
Je m'installe comme je peux, presque allongée sur les sièges d'attente métalliques, sous le regard condescendant des femmes de la pièce qui se demandent ce qui m'arrive, sans compassion aucune...
Un petit quart d'heure plus tard c'est ENFIN mon tour !!! Le médecin de garde, un interne, me fait entrer dans son tout petit bureau. Me pose tout un tas de questions, puis décide de me faire passer une échographie, il pose le gel froid sans ménagement sur mon ventre, à peine arrondi puisqu'il est si tôt dans la grossesse. L'écran est tournée vers lui et il n'y a pas de son, je ne vois rien, je n'entends rien et en dehors de son "tout va bien", je n'apercevrais même pas mon petit haricot de bébé... Je retiens mes larmes... En quelques secondes, une boule s'est formée dans mon ventre : celle de l'entendre me dire qu'il n'y a pas de pouls, que le bébé est mort".
Il finira par convenir qu'en effet, vu ma perte de poids, mon allure et la fréquence infernale de mes vomissements, il ne s'agit pas de simples symptômes de grossesse du type nausées et autres mais d'une pathologie plus sérieuse.

L'hyperémèse gravidique, c'est quoi ?
Le diagnostic tombe enfin ! Je suis atteinte d'hyperémèse gravidique !
Mais je ne suis pas rassurée pour autant puisque ce nom ne me dit absolument rien ! Moi qui suit doula depuis plus d'un an maintenant, je ne sais pas de quoi il s'agit, inconnu au bataillon.
Loin d'être parti pour m'expliquer de quoi il s'agit, le médecin me place dans une petite chambre, qui sert au moment des auscultations, me dit de m'allonger la et qu'il me place en observation pour les heures à venir avant de décider de mon sort
Évidemment je n'ai strictement rien prévu avec moi, ni chargeur de téléphone, ni livre, ni écouteurs... RIEN !
Je suis seule face à moi-même dans cette petite chambre. En fil rouge, j'ai tenu mon mari informé des événements et à présent : j'attends.
Une très gentille auxiliaire vient finalement se présenter avec tout un kit de perfusion, deux solutions à me faire passer, un médicament et une solution glucosée pour me soulager et me redonner un peu de force.
Au bout d'à peine 20 minutes, je me sens tellement mieux ! MIRACLE ! Moi qui suit en souffrance, non-stop, depuis plus de deux semaines, je retrouve enfin un corps qui n'est pas douloureux et je n'ai pas vomis depuis plus d'une heure !
Au bout de trois heures, le médecin revient s'enquérir de mon état, entre temps j'ai eu une prise de sang. Les résultats ne sont pas catastrophiques, il me donne une petite brique de jus de pomme et me dit que si j'arrive à la boire déjà à moitié sans la revomir, il me libère, sinon il sera contraint de me garder, au moins pour cette nuit !
Je n'ai pas du tout envie de rester à l'hôpital mais je n'ai aucun contrôle sur mon corps depuis des jours alors "advienne que pourra!". Je me délecte de ce petit jus de pomme, sucré et si doux, moi qui ne peut rien boire ni manger depuis des jours! Quel bonheur !
Puis, je suis tellement épuisée, que je décide de me reposer. Une heure plus tard, je suis réveillée par l'auxiliaire qui entre dans la chambre pour voir comment je me porte. Victoire ! j'ai réussi à garder le jus de pomme, elle me fait savoir que le médecin va repasser pour me prescrire un traitement et que je pourrais partir !
J'essaie de le convaincre de me laisser garder la perfusion et le merveilleux médicament qui me fait tant de bien mais le médecin me dit que c'est impossible, il me prescrit la même molécule que le médicament en perfusion, mais en cachet, avec du Spasfon.
Je suis très sceptique quant à son ordonnance en repartant mais soit, au moins je suis libre!
Mon mari m'attend au pied de l'hôpital, nous rentrons à la maison, notre fille est chez sa mamie, nous sommes en amoureux ce soir, nous décidons de célébrer mon état de "mieux" avec une pizza.
Je réussirais à en manger quelques bouts avant de m'endormir, exténuée par cette journée.
Le lendemain malheureusement, même si l'état global est moins terrible que les jours précédents, c'est tout de même la rechute et malgré les médicaments prescrits la veille, rien ne me soulage suffisamment.
Ma seule perspective d'espoir reste donc mon rendez-vous chez ma gynécologue pour mon échographie de datation, 4 jours plus tard !
En attendant, il me reste le diagnostic et internet pour en savoir plus sur cette hyperémèse gravidique !
Cette pathologie est la forme sévère des nausées et vomissements de la grossesse. Elle se manifeste par une perte de poids importante, une incapacité à boire et à s'alimenter, une fatigue extrême, des nausées constantes et des vomissements incontrôlables pouvant mener à l'hospitalisation.
Je découvre, au détour de mes recherches, l'association de lutte contre l'hyperémèse gravidique, et grâce à elle, de nombreux témoignages de femmes qui ont vécu des expériences similaires à la mienne, voir même bien pire... et ça me permet de mettre un peu de lumière dans cette grossesse, je reprends espoir et surtout j'étaye mes connaissances pour pouvoir expliquer à ma gynécologue un maximum de choses concernant cette pathologie, si jamais elle ne connait pas. Chose qui n'est pas rare, puisqu'en France, il y a très peu de professionnels médicaux sensibilisés à l'hyperémèse, contrairement au Canada par exemple ou la pathologie est prise très au sérieux et ou des études sont à l'œuvre pour trouver des traitements efficaces.

Comment lutter contre l'hyperémèse gravidique
Voilà enfin le jour de mon rendez-vous tant attendu chez ma gynécologue. Je vais enfin pouvoir rencontrer mon bébé, pour qui je me fais tant de souci et je l'espère avoir enfin un traitement qui me soulage durablement.
L'échographie se déroule à merveille, je retrouve de la force juste pour pouvoir apercevoir ce petit haricot dans mon ventre et entendre les battements de son cœur.
Par bonheur, ma gynécologue a déjà entendu parler de l'hyperémèse gravidique, une de ses patientes en a également souffert il semblerait, elle va alors me prescrire un médicament canadien (tiens donc), pas remboursé en France (évidemment) mais qui semble avoir été efficace d'après ses retours. Je ne me pose pas de questions et nous fonçons dans la pharmacie la plus proche pour en commander. La pharmacienne, qui ne connait pas le médicament, souhaite regarder sa composition, elle m'annonce qu'elle le recevra 3 jours plus tard, mais qu'en attendant, elle peut me conseiller un médicament, en vente libre, un somnifère, dont la molécule principale est la même que celle du médicament canadien ! Je sauterais presque de joie si j'en avais la force Je pense qu'elle a dû avoir de la peine pour moi de me voir en si piteux état. Je lui achète donc ce somnifère, après m'être assurée qu'il n'y aurait pas de contre-indication avec ma grossesse.
Grâce au somnifère et ensuite au médicament canadien, en dosage assez fort au départ, les semaines qui suivent ne sont plus rythmées par les vomissements, les douleurs intenses et l'intolérance au bruit et à la lumière OUF, en revanche je dors environs 18h par jour... puisque la molécule principale des deux médicaments a pour effet de faire dormir.
Je passe donc d'une vie douloureuse, prisonnière de mon corps à une vie de sommeil, prisonnière à nouveau de mon corps, ou je ne peux rien faire de plus.
L'hyperémèse gravidique : bilan
Cette période aura duré 4 mois, 4 longs mois, de janvier à avril, pendant lesquels ma vie aura littéralement été mise sur pause.
Ma vie professionnelle piétinée, je suis à mon compte, je n'ai pas d'indemnités d'arrêt maladie, je suis encore au stade du lancement de mon entreprise, j'avais de nombreux projets pour me faire connaître. Tout s'effondre devant mes yeux impuissants.
Ma vie de maman, d'une petite fille de 3 ans, dont je ne peux plus m'occuper pendant 4 mois, qui ne comprends pas ce qui arrive et qui souffre de mon absence. Cette petite fille, encore trop petite pour comprendre ce qui m'arrive vraiment ne retiendra que le fait que sa maman ne veut pas s'occuper d'elle... Mon cœur est brisé, je n'ai plus les mots et mon absence devient une source de colère pour elle à mon encontre. Aujourd'hui encore, notre relation s'en trouve affectée et il m'est extrêmement difficile de ne pas culpabiliser d'avoir été absente pour elle tout ce temps. Seuls son papa et sa mamie étaient au rendez-vous. Que c'est dur pour une maman.
Ma vie de couple a été mise à mal aussi, inexistante pendant autant de temps, mon mari s'est fait tant de souci pour sa femme et son bébé, il m'a vu d'abord souffrir et dépérir puis devenir une loque. Nous avons mis du temps à retrouver une relation qui ne soit pas basée sur l'anxiété et l'inquiétude. Ce passage effrayant, cette maladie nous a marqué au fer rouge. J'ai eu tour à tour peur de perdre notre bébé, puis dans l'œil du cyclone, dans les jours les plus noirs, j'ai souhaité ne plus avoir ce bébé, que je tenais pour responsable de cet état cauchemardesque. Mon mari a lui eut tour à tour peur de perdre ce bébé, puis sa femme, puis a eu à gérer mon désir d'arrêter cette grossesse tant désirée...
Après ces 4 mois d'enfermement, à l'intérieur de moi, de cette chambre, de cette obscurité, il faut tout ré apprendre. Mes yeux doivent s'adapter à nouveau aux rayons du soleil, mes oreilles aux bruits environnants, ma bouche aux goûts et aux saveurs, mes jambes à porter mon corps affaiblit par tant de semaine en position allongée... Et puis surtout, il est enfin temps de se réjouir pour cette vie qui grandit en moi, pour cette grossesse qui s'éclaire enfin. Il va me falloir du temps pour ôter de mes épaules le poids de la culpabilité d'avoir failli à mon rôle de mère avec Margot et d'avoir voulu interrompre cette grossesse alors que je désire tant cette deuxième petite fille.
Je suis "chanceuse" dans mon malheur car certaines femmes atteintes d'HG (hyperémèse gravidique) doivent parfois interrompre leur grossesse, doivent parfois être hospitalisées pendant de longues périodes, vivent parfois toute leur grossesse sous le poids de cette maladie, perdent leur bébé, ne sont pas prise en charge par le corps médical par manque de connaissance de l'HG... Alors oui je me trouve chanceuse de finalement avoir encore devant moi deux trimestres pour me connecter avec ce bébé, pour peaufiner notre projet d'accouchement à domicile, pour re vivre et être heureuse tout simplement !

Si vous pensez souffrir d'hyperémèse gravidique, si vous avez des questions ou si vous avez besoin de soutien , n'hésitez pas à me contacter.
Suite à cette expérience que j'ai vécu, je suis devenue ambassadrice sur le secteur de la Nouvelle Aquitaine, pour l'Association de lutte contre l'hyperémèse gravidique Accueil | ASSOCIATION DE LUTTE CONTRE L'HYPEREMESE GRAVIDIQUE (associationhg.fr).
Ensemble, nous pouvons vous aider à sortir de l'enfer de cette maladie !